lacitedesmortes.net Un webdocumentaire ? A l'origine de ce projet, la volonté des auteurs et de professionnels de l'Internet de créer une nouvelle forme éditoriale qui donne une autre dimension au livre. En utilisant les notes, les images rassemblées lors de l'enquête, ils ont choisi de vous faire vivre les lieux, rencontrer les acteurs et tenter d'approcher une réalité si lointaine.

Lacitedesmortes.net est un programme interactif de type Webdocumentaire, qui accompagne le livre La ville qui tue les femmes, enquête à Ciudad Juarez, écrit par Jean-Christophe Rampal et Marc Fernandez. (Edité par hachette Littératures). Il fait également écho au documentaire du même nom, diffusé sur Canal+, le lundi 03 octobre à 23h25.

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Ciudad Juárez, la ville qui tue les femmes

 

Près de 400 femmes assassinées, la plupart dans des conditions particulièrement attroces, et 500 disparues, à Ciudad Juárez depuis 1993. Les chiffres varient selon les interlocuteurs : police locale ou nationale, familles des victimes, juges, avocats ou experts. Une seule certitude: c´est le fait divers le plus sanglant de l´histoire récente et le scandale judiciaire le plus étonnant.

Car dix ans après le meurtre de la première victime, retrouvée nue dans le désert qui sépare les États-Unis du Mexique, les autorités ne peuvent toujours pas désigner les responsables du massacre ni donner une explication convainvante à la tragédie.

Présentés à l´opinion publique comme les principaux responsables de la tuerie, 18 suspects ont été arrêtés et une dizaine condamnés. Les assassinats ont pourtant repris de plus belle après leur détention. Depuis le début de l’année 2005, quatre nouveaux féminicides se sont produits.

La "Cité des mortes", la quatrième ville du pays, se situe sur la frontière avec les Etats-Unis, en face de sa jumelle américaine d’El Paso. Elle compte 1,5 millions d’habitants. Une ville hors normes : elle est le bastion de l’un des plus importants cartels de la drogue d´Amérique latine et l’un des points frontaliers les plus transités de la planète. Chaque année, 55 millions de personnes, de voitures et de camions passent la « Línea » qui sépare le Mexique du Texas et Ciudad Juarez d’El Paso. Environ 150 000 par jour. Un trafic quasi impossible à contrôler.

300 tonnes de cocaïne colombienne environ pénètrent chaque année aux États-Unis. Le tiers passerait par ici. La présence des narcos est palpable dans la ville. Villas millionnaires retranchées dans de nouveaux quartiers résidentiels, discothèques rappelant les grandes années de la narco-architecture à Medellín où la dope circule librement, centres de paris sportifs servant au blanchiment d’argent, 4x4 aux vitres fumées et sans plaques d’immatriculation, ...Et, partout, des hommes armés.

Ciudad Juárez héberge en outre des centaines de milliers de travailleurs employés dans 250 maquiladoras, installées aux limites du désert. Ces usines d’assemblage délocalisées nord-américaines, asiatiques et européennes appartiennent à Ford, Chrysler, Thomson, General Electric, Siemens ou Electrolux. L’installation en masse de ces entreprises étrangères au début des années 90 (elles ont réalisé un chiffre d’affaires de 60 milliards de dollars en 2001) l’a transformé en un pôle industriel et commercial important. Conséquence immédiate : une arrivée massive de travailleurs, attirés par la possibilité de trouver un emploi, même si celui-ci est mal rémunéré (environ 6 dollars par jour).

80 % de la population de la ville vient de l´intérieur du Mexique. La majorité de ces migrants sont des femmes, jeunes, peu spécialisées, corvéables à merci. Métisses pour la plupart, mais aussi indiennes, originaires des états réservoirs de chômage du sud du pays: Oaxaca, Guerrero, Michoacan, entassés dans les bidonvilles qui cernent la ville, le plus souvent collés à la frontière américaine.

Les auteurs des crimes de Juárez sont sans doute multiples et présentent à l’évidence des profils différents, qui rendent compte de la profonde complexité et perversité de la ville. Les meurtres n’ont pu se multiplier qu’en raison de l’impunité qui règne ici.

Le principal suspect dans l’affaire reste peut-être la ville elle-même.